Renard et échinococcose
à Bruxelles
Régulièrement,
lors de promenades au Kauwberg des visiteurs déconseillent de cueillir
les fruits sauvages à cause de la maladie des renards. D’autres
posent la question en voyant un promeneur porter une mûre à la bouche :
n’est-ce pas dangereux à cause des renards ?
Dans les médias, la presse titre : « Faut-il avoir peur des
renards ? »
Des parlementaires comme Jean-Marie Happart, en bon chasseurs, profitent
d’une question parlementaire sur l’échinococcose, pour proposer de
« limiter la population des renards ».
Tout
ce « remue-média » a pour seul effet de créer une psychose
vis à vis du renard sans donner au public les informations
indispensables pour se protéger des maladies transmissibles par ce
mammifère.
C’est
la raison pour laquelle nous vous proposons quelques éléments
d’information et ensuite un petit dossier sur la question du rapport
entre le renard et les risques liés à sa présence dans notre
environnement.
Aujourd’hui,
la population de renards est présente sur plus de 35 % de la surface de
la Région Bruxelles-Capitale. Encore faiblement représentés au nord
de la Région, ils sont devenus en quelques décennies des animaux de
plus en plus familiers pour les habitants du sud et sud-est de la Région,
d’Uccle à Woluwe.
Les
maladies transmises par le renard à l’homme
Le
renard peut transmettre trois maladies à l’homme : la rage, l’échinococcose
et la toxocarose.
La
rage
La
rage, jadis présente en Région wallonne, n'a jamais franchi la barrière
de la Sambre et de la Meuse. La Région bruxelloise n'a de ce fait
jamais été infectée. Depuis l’an 2000, plus aucun renard n'a été
diagnostiqué positif pour la rage en Belgique. Ce résultat est la conséquence
des campagnes de vaccinations entamées dès 1989 en Région wallonne.
Depuis juillet 2001, la Belgique est reconnue indemne de rage selon les
critères de l'Organisation Mondiale de la Santé. Actuellement, les
derniers foyers de rage en Europe occidentale se trouvent en Allemagne
à plusieurs centaines de kilomètres de la frontière belge.
La
vaccination antirabique des chiens, chats et renards n'a jamais été
exigée pour les animaux séjournant sur le territoire de la Région
Bruxelles-Capitale.
La
toxocarose
Attention :
il ne faut pas confondre la toxocarose, due à un vers, avec la
toxoplasmose dangereuse pour les femmes enceintes, qui elle est due à
un protozoaire.
Les renards tout comme nos chiens et les chats domestiques
peuvent être infectés par des vers du genre Toxocara.
Les œufs de ce parasite sont excrétés via les excréments dans
l’environnement et sont donc susceptibles d’infester d’autres
chiens, chats et renards mais également l’homme. Il est donc
important de vermifuger régulièrement les chiens et les chats. Par
ailleurs, il est recommander de limiter l’accès des aires de jeux des
enfants aux renards, chiens et chats et de ne pas laisser jouer des
enfants dans des déblais de sable tels que des terriers de renards
installés dans des jardins.
L'échinococcose
Cette
parasitose est très dangereuse et peut être mortelle si elle n’est
pas soignée, d’autant qu’il faut souvent une dizaine d'années en
moyenne avant d’en
déceler les premiers symptômes.
Le
vecteur responsable de l'échinococcose est un petit vers parasite qui
vient se loger dans le foie où il se développe. Les signes
cliniques apparaissent après 5 à 15 ans d'incubation et sont
principalement caractérisés par une défaillance hépatique sévère.
Le parasite a été détecté en Belgique pour la première fois en
1991. Depuis, des enquêtes épidémiologiques ont permis de mieux
cerner la proportion de renards porteurs de ce parasite. Ces enquêtes
ont pu confirmer la présence de renards infestés par Echinococcus
multilocularis et
l'existence d'un gradient d'infestation décroissant d'est en ouest,
probablement lié aux variations géoclimatiques (altitude, précipitation,
température moyenne). Ainsi, le taux d'infestation le plus élevé
(35%) fut observé sur le plateau de l'Ardenne centrale. Un plus faible
taux d’infestation fut constaté en Moyenne Belgique (Condroz et
Famenne). Enfin des rares cas de portage du parasite ont pu être détectés
chez des renards en Hesbaye namuroise (2 cas), en Brabant wallon (1 cas)
et en Flandre (4 cas).
En
Région bruxelloise, il est probable que nous nous trouvions dans une
situation comparable à celle observée en Flandre (très faible nombre
de renards porteurs ou même absence du parasite). Sur plus de 100
renards bruxellois déjà analysés pour la présence de ce parasite,
aucun n’a été reconnu porteur. Par mesure de précaution, il reste
toutefois conseillé de ne pas toucher les renards trouvés morts et de
vermifuger régulièrement les chiens et les chats.
Celui
qui trouve une dépouille de renard peut prendre contact avec
l’IBGE (Olivier Beck, 02/775 77 14) ou la
rapporter à l’Institut Pasteur (Rue Engeland 642, 1180 Uccle) afin de
permettre l’analyse de son état sanitaire..
Pour
approfondir
Qu’est-ce
que l’échinococcose alvéolaire ?
L’échinococcose
alvéolaire est une des nombreuses parasitoses humaines. Elle est
provoquée par un petit ver parasite de 3 à 6 mm, Echinococcus
multilocularis, hébergé à l’état adulte dans l’intestin des
renards, des chiens et des chats. Chez ces hôtes dits " définitifs ",
le parasite, sous sa forme adulte, perd régulièrement son dernier
anneau (segment ovigère) bourré d’ "œufs" (embryophores)
qui est évacué dans les crottes. La dégradation du segment ovigère
dans le milieu extérieur libère les œufs, dispersés autour du point
d’émission, essentiellement par les eaux de ruissellement et les
insectes coprophages. Ces œufs, très résistants, souillent les végétaux
consommés par des rongeurs herbivores, le plus souvent, le campagnol
terrestre ; le rat musqué pourrait être éventuellement un autre
hôte possible. Ces hôtes " intermédiaires " hébergent
la forme larvaire du parasite qui envahit progressivement le foie et
entraîne leur mort en quelques mois. Les hôtes intermédiaires malades
sont des proies faciles pour le renard, le chien ou le chat qui se
contaminent en les ingérant.
Quelle
est la place de l’homme dans ce cycle ?
Il
est, comme le campagnol, un hôte intermédiaire mais accidentel. Chez
lui , la larve met plusieurs années à envahir le foie et
l’issue peut être fatale.
Quelles
sont les modalités de contamination ?
Elle
peut se faire indirectement ou directement.
La contamination indirecte se déroule comme chez le campagnol par
contact avec le sol souillé ou la consommation de végétaux crus
souillés par les oeufs. Ceux-ci appartiennent au cortège des plantes
sauvages et cultivées qui poussent sur les terrains auxquels les
carnivores infestés ont accès : fruits sauvages de plantes basses
(myrtilles, fraises des bois), salades, fraises. Compte tenu de leur
taille (35 à 40 µm), les œufs ne sont pas décelables par examen
visuel et seule la cuisson permet de les détruire, les antiseptiques et
la congélation étant inefficaces. Il y a donc un risque de
contamination par des légumes provenant des cultures maraîchères des
zones d’endémie, ce qui signifie que les citadins ne sont pas à
l’abri.
Legende:
-
Le
stade adulte d'Echinococcus
multilocularis (le
"ver du renard"), se développe entre les villosités de
l'intestin grêle chez l'hôte définitif. Les hôtes définitifs
sont toujours des carnivores.
-
Le
ver adulte est formé d'un "scolex" (la tête du ver), et
de plusieurs autres segments, les "proglottides". Le
proglottide terminal contient les oeufs matures.
-
Les
oeufs matures sont expulsés avec les excréments du carnivore et
dispersés dans l'environnement. Les hôtes intermédiaires
s'infectent en mangeant des végétaux contaminés.
-
Les
hôtes intermédiaires naturels sont principalement des petits
rongeurs. Les humains sont des hôtes intermédiaires accidentels.
-
Le
stade intermédiaire (larvaire) de développement d'Echinococcus
multilocularis
est nommé "métacestode". Il se développe principalement
dans le foie. Histologiquement, les métacestodes forment de petites
vésicules (qui donnent l'aspect "alvéolaire"). Chez les
rongeurs, les métacestodes subissent une maturation compète et
forment des "protoscolex". Chez l'homme, les métacestodes
ne parviennent le plus souvent pas à maturation complète, et sont
à l'origine de la maladie chronique appelée "échinococcose
alvéolaire".
-
Quand
un hôte définitif dévore un rongeur infecté, les protoscolex se
développent dans l'intestin en ver adulte, et le cycle est bouclé!
Cycles
"rural" (à gauche) et "urbain" (à droite)
et transmission du parasite à l'homme.
La
contamination directe se réalise par contact avec le carnivore hôte définitif
du parasite et on peut qualifier cette parasitose de " contagieuse ".
Les renards, les chiens et les chats parasités, en se léchant
l’anus, chargent leur langue d’œufs qu’ils répandent sur leur
pelage en se " toilettant ". L’homme se contamine
en touchant ces animaux et en portant ensuite, sans les laver, les mains
à la bouche. Dans ce cadre, il est évident que le risque réel pour la
population ne vient pas du renard qui n’est généralement manipulé
que par des personnes parfaitement informées des risques (vétérinaires,
chasseurs, forestiers), s’entourant de toutes les précautions
indispensables. Le
risque réel vient des chiens et des chats parasités
et repose sur leurs rapports affectifs avec l’homme : caresses, léchage
des plats et des assiettes, admission dans les terrains de jeux pour
enfants. La contamination par cette voie est d’autant plus insidieuse
que le chien et le chat ne sont pas affectés par le parasite.
Rappel
de la situation en Région bruxelloises.
L’échinococcose
alvéolaire ne constitue actuellement pas un risque sanitaire pour les
citoyens de la Région Bruxelles-Capitale. Les renards de la région ne
semblent en effet pas porteurs du parasite responsable de cette maladie.
Cette
parasitose touche principalement les forêts ardennaises ; elle
manifeste cependant une tendance à s’étendre vers le nord. En Région
Bruxelles-Capitale, un suivi de la population de renards urbains a démarré
en janvier 2001 [convention entre l'Institut Pasteur de Bruxelles
(docteur Brochier) et l'Institut bruxellois de la gestion de
l'environnement (IBGE)].
En
date du 31 décembre 2003, la recherche d’Echinococcus multilocularis
a été effectuée chez 135 renards. Tous les examens se sont révélés
négatifs.
Tant
que la présence de la maladie n’est pas avérée dans notre région,
il n’y a pas lieu de prendre de précautions individuelles particulières.
En
dehors de Bruxelles, quelles sont les mesures à prendre en zone
contaminée ?
On
ne peut que conseiller la plus extrême vigilance aux personnes séjournant
dans les zones d’endémie : Ardennes (33 % de renards infectés
en 2002), Lorraine (23 %), Fagne-Famenne (17 %), d’une façon générale,
au sud de la Meuse. Au nord de cette ligne, en Hesbaye, dans le Brabant
et dans la Région flamande, moins de 2 % des renards sont porteurs.
Dans ces régions il est recommandé de vermifuger les animaux
domestiques plusieurs fois par an car ce sont plutôt eux que le renard,
qui risquent de nous transmettre le parasite.
Que
peut-on encore manger dans les zones contaminées ?
Première
précaution : ne pas manger de fruits et légumes non lavés ou
cuits.
Les œufs sont détruits par la cuisson mais pas par la congélation. Il
n’y a donc aucun risque à manger les champignons cuits, des fruits en
tarte et confitures. Les légumes (salades du potager en particulier) et
les fruits crus doivent faire l’objet d’un lavage soigneux, l’œuf
n’adhère pas au végétal et s’élimine au nettoyage.
Toutefois,
un risque d’introduction de la parasitose dans les autres régions par
le truchement des chats et des chiens séjournant en zone d’endémie
est possible.
Dans
les cas où
ces derniers ont pu chasser des rongeurs susceptibles d’être parasités,
il serait sage de procéder, au retour, à un déparasitage interne en
demandant au vétérinaire d’administrer un vermifuge (Il semblerait
que le seul vermifuge efficace est le praziquantel : Droncit ;
Drontal) . Il
faut encore préciser, qu’après contamination du chien ou du chat par
ingestion de campagnols, les vers deviennent adultes au bout de 10 à 12
semaines, l’animal est alors " contagieux " et le
restera quelques mois..
En conclusion,
L’échinococcose
alvéolaire, sans être une maladie fréquente en Belgique mais en
raison de sa gravité, demande une grande vigilance pour éviter son
extension éventuelle vers notre région. Il faut faire de la prévention.
Ainsi, les personnes transitant ou séjournant avec leurs animaux
familiers dans les régions infestées devraient déparasiter leurs
compagnons, dès leur retour.
En
revanche, préconiser la destruction des renards sous prétexte de l’échinococcose
alvéolaire est injustifié et ne va pas dans le sens de l’objectif
poursuivi qui est, rappelons-le,
d’éviter l’extension de la parasitose.
En
effet, dans les régions non infestées la destruction des renards
locaux sains, crée un vide susceptible " d’aspirer "
des renards venant de régions voisines et éventuellement porteurs du
parasite alors que les renards « locaux » ne le sont pas.
D’autre
part, dans les zones à risque, l'extermination des renards n'aurait de
sens qu'en exterminant également les petits rongeurs, surtout les
campagnols ainsi que leurs autres prédateurs, chiens et chats …
est-ce aussi cela que souhaite M. Happart ?
Sources
- documentation complémentaire
Le
renard en région bruxelloise est décrit sur le site de l’IBGE ;
via sa page consacrée au renard roux vous pouvez consulter le résumé
de l’étude « Le renard urbain » réalisée par l’Institut Pasteur
pour le compte de l’IBGE (330k .pdf) ou le rapport complet (1M
.pdf) ; ou encore directement les liens via:
http://be.sitestat.com/ibgebim/ibgebim/s?fr_etude_renard_urbain&ns_type=pdf ou
http://www.ibgebim.be/FRANCAIS/pdf/espacesverts/renards_rapportpasteur_jan04.pdf
Pour
tout savoir sur l’échinococcose, un site universitaire qui reprend
différentes publications, travaux et recherches :
http://www.chambon.ac-versailles.fr/science/sante/immu/echinoc.htm